LENIKA         COULEUR         OLIVE

Emma raconte

Passage d'Emma parmi nous...une belle rencontre.

Passage d'Emma parmi nous...une belle rencontre.

Sur le bout du bout d’une île, entre soleil, olives et belgicismes.

"Nous sommes au courant de l’été 2015. Nous, c’est vous et moi, et moi, jeune fille « éprise de liberté et de grands espaces » (ça c’est la version romanesque de mon père), disons plutôt avec le gout de l’aventure et de la découverte, des convictions humanistes et un brin (oui, juste un brin) d’idéalisme. Dédiant mes années sabbatiques universitaires aux voyages et aux travaux agricoles, c’est lors d’une recherche internet sur la récolte des olives que je tombe sur un site un peu particulier : il est doux comme un rêve, il est plein de soleil, il s’appelle Lenika couleur olive.

Je le parcoure, le rêve me gagne, j’imagine l’odeur de la mer, le chant des cigales, les paysages d’oliveraies et de montagnes… Alors, puisque « qui ne tente rien n’a rien », j’envoie un mail, par simple plaisir, pour proposer mon aide pour la récolte qui arrive, sans vraiment croire à une réponse. Elle arrive pourtant, contre toute attente, quelques semaines plus tard, sous la forme d’un mail : Allo la Crète, le contact est établi ! Quelques temps après, c’est confirmé, mon billet d’avion est réservé, c’est l’heure de la danse de la joie, youpi houlala ! Je n’y crois pas ! Et je n’ai pas encore réalisé que je me retrouve début novembre à Sitia, ou nous nous sommes donné rendez-vous. Nous ne savons pas à quoi celui que nous allons rejoindre ressemble… Mais voilà une jolie dame qui s’avance vers moi en souriant : la blondeur de ses cheveux dénote autant que mon gros sac à dos dans le paysage crétois ; nous nous reconnaissons. Salut Brigitte ! Peu après, nous rejoignons Bertrand et leurs deux filles intrépides, Amalia et Anaïs. Cette petite famille m’accueille généreusement dans son foyer pour la récolte, qui devrait durer un mois.

Nous nous trouvons à la pointe Est de la Crète, perdus au milieu des oliviers et des montagnes calcaires teintées de schistes rouges, que survolent des rapaces aussi majestueux que les vautours fauves et les aigles royaux. Ajoutez un ciel bleu pur, un soleil omniprésent, et voilà le tableau. Je commence a réaliser… en entamant avec Bertrand le travail dans les champs : il s’agit d’enlever les rejets, vous connaissez ? Moi non plus, a ce moment-la… Ce sont les pousses d’oliviers qui se trouvent au pied des arbres, et qui entraveraient la pose des filets si on ne les ôtaient pas : petites choses résistantes et robustes, tant même que j’ai bien cru qu’elles le seraient plus que moi ! Je commence alors a comprendre la pugnacité que demande le travail dans les oliviers, celui-la même qu’accomplit Bertrand, et tant d’autres Crétois, tout au long de l’année : attention constante, effort physique, soin méticuleux…

Nous entamons ensuite la récolte à proprement parler : c’est parti ! Je découvre la valse des filets, qu’il faut disposer en fin stratège, les cageots qui s’amoncellent, le tableau des hommes concentrés sur leur « verga ». Les jours de labeur se succèdent, couleur olive, au son du moteur qui alimente les gaules électriques. C’est tout un ballet, toute une chorégraphie savamment organisée, entrecoupée de conseils, de tranches de rire, de sourires complices, de phrases lancées tout haut, tantôt en français, tantôt en grec, tantôt dans un anglais approximatif.

Je découvre aussi la réalité d’ici, le quotidien d’un pays en crise, les inquiétudes face à un système toujours plus corrompu, les difficultés économiques de tous les jours, la ségrégation effrayante des immigrés albanais, la montée du parti néo-nazi, la capacité de travail impressionnante des villageois, qui semblent ne pas même songer a la notion de week-end, de repos, de vacances. Je me sens petite, face à tout ca. Petite, occidentale, et surtout très privilégiée. Je ne suis pas habituée, comme eux, à travailler si dur, certains moments sont difficiles, mais nous sommes une équipe, je me sens soutenue. Ouf, la pause arrive, et avec elle, le pique-nique toujours savoureux et préparé avec soin par Brigitte et Bertrand ! L’occasion de reprendre des forces et de contempler les paysages merveilleux qui sont notre cadre de travail. En fin d’après-midi, on a bien sué, les cageots sont rangés, on les compte, c’est à chaque fois une petite victoire.

Place à la détente, car la maison y est un cocon propice ! Tout y est poésie : les tableaux peints par Brigitte, empreints de toute sa douceur et de sa générosité, l’immense mur de CD et cassettes de Bertrand, les couleurs franches et chaleureuses des murs. Le soir, c’est atelier cuisine, toujours avec de bons produits locaux et bio, Brigitte et Bertrand mettant un point d’honneur à se nourrir et à nourrir leurs filles avec des aliments sains pour eux et respectueux de la Terre. Cuistos et « petites mains » concoctent ensemble recettes crétoises… et belges, bien sur !

Nos réunions du soir sont aussi l’occasion de débats, ou nous établissons notre état des lieux du monde actuel ; nous partageons le même intérêt pour le présent de notre société, et réfléchissons a des alternatives a mettre en place ici et maintenant pour entamer, à notre petit niveau, la construction d’un monde qui nous paraît plus juste, plus sain et plus respectueux. Je me laisse entrainer dans les vagues de leurs passions, nombreuses, auxquelles ils m’initient généreusement : ornithologie, fabrication de savons, bande dessinée, musique, que ce soit chants traditionnels crétois ou Higelin… Avec eux, je réapprends le calme. J’accepte de ne pas tout comprendre et de ralentir. De vivre au rythme des arbres centenaires, sous la roche claire des montagnes. La nuit, la voute céleste est plus belle ici que nulle part ailleurs… Il est temps de repartir…

Je suis heureuse de vous avoir raconté cela, de vous avoir fait voyager un peu avec moi. Ce mois a été infiniment riche en découvertes, sur de très nombreux plans. J’en ressors grandie. J’espère avoir apporté aussi un peu de joie, un peu de bonne humeur, un peu d’amour. Alors, simplement, Bertrand, Brigitte, Amalia et Anaïs : MERCI."

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W
Emma ! quel bonheur d'avoir rencontré Brigitte, Bretrand Amalia et Anaïs .... nous on les aime depuis tant d'années ... par dessus les mers, les montagnes, les mois et les années ... pas d'obstacle ... je crois vraiment que c'est cela l'amour que nous partageons avec eux.
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