Quand l'huile d'olive devient un produit rare

Février vient de débuter, nous avons attendu l'hiver pendant 3 mois et le printemps arrive déjà…

Si les oliviers de Zakros supportent la sécheresse et les canicules estivales grâce à la source du village qui nous permet d'irriguer, ils ont aussi besoin de conditions hivernales pour bien fructifier : un minimum de jours assez froids pour induire une phase de dormance ainsi que pour diminuer les populations d'insectes ravageurs; de bonnes pluies pour transformer les paillages en humus, semer des engrais verts, faire pénétrer dans le sol les apports de nutriments, et bien sûr pour constituer des réserves d'eau qui soutiendront le développement végétal pendant la saison sèche.

Hormis quelques rares journées d'intempéries, les mois qui viennent de s'écouler évoquent plutôt un interminable automne: nous avons dû attendre le 19 novembre pour recevoir une première timide averse et depuis les précipitations accumulées atteignent à peine 170 mm; la moyenne des températures en décembre-janvier dépasse les 15 ℃ et le thermomètre n'est pas encore descendu en-dessous de 8℃.

La Crète est une île montagneuse dont les sommets au-dessus de 2000m sont habituellement couverts de neige quatre à cinq  mois par an. Ici autour du village nos montagnes culminent à 800m mais il devient exceptionnel de les voir se couvrir de neige alors que c'était chose courante chaque hiver il y a 15 - 30 ans.

Durant le reste de l'année on subit de plus en plus fréquemment des épisodes météorologiques extrêmes: gros coups de chauds complètement "hors saison", vents du sud violents au printemps, vent du nord à 7 Beaufort parfois 30 jours d'affilée en été, canicules prolongées, et quand enfin il pleut après des mois de sécheresse c'est parfois sous forme de déluge cataclysmique. Nous n'avons pas connu d'incendie de grande ampleur à proximité du village depuis 2012, mais d'autres régions de l'île sont ravagées chaque été et l'inquiétude est toujours présente.

Un dérèglement climatique semble donc bien à l'oeuvre, qui complique la tâche des oléiculteurs en Crète comme partout en Méditerranée. Et plus encore des oléiculteurs bio car les équilibres sont fragiles et qu'il nous est impossible de tricher: pas d'engrais "coup de fouet" pour les arbres carencés et affaiblis par le manque d'eau, pas de "miracle" chimique contre les maladies et ravageurs favorisés par les hivers trop doux.

La courte période de la floraison - nouaison (le moment où la fleur se transforme en fruit) au mois de mai est cruciale : il faut des températures et un vent modérés (c'est le vent qui joue le rôle de pollinisateur), surtout pas un vent du sud qui brûle les fleurs ou les recouvre de poussières sableuses du Sahara, anéantissant alors toute promesse de récolte.

C'est pourquoi nous étions confiants en ce début mai 2023: le vent du sud restait discret, le printemps était anormalement frais, la végétation avait pris du retard et la floraison de nos oliviers semblait satisfaisante dans la moitié de nos parcelles. Nous nous préparions à une année "moyenne", c'est à dire à une production de 3000 L d'huile environ, sachant que dans des conditions optimales nous pouvons obtenir jusqu'à 5500 L avec plus ou moins 600 arbres. Or s'il y avait bien des fleurs celles-ci ne produisirent guère de pollen, la faute à des  températures trop basses pour la saison et à quelques averses tombées au mauvais moment: pour une fois qu'il ne fait pas trop chaud et trop sec, il fait froid et pluvieux quand il ne faut pas! Nous on voudrait simplement un juste milieu…

Résultat: nouaison plus ou moins réussie sur une centaine d'arbres seulement, le reste ne portant que quelques olives par-ci par-là voire rien du tout.  Six jours de récolte en novembre ont suffi pour amener 3,5 tonnes de fruits au moulin et en retirer 636 L d'huile.

Les collègues avec qui nous collaborons habituellement pour remplir nos cuves d'huile Lenika Bio n'ont pas fait mieux, et ensemble nous n'avons réuni que 20% de la quantité exportée annuellement.

Nous ne sommes pas les seuls à connaitre ce déclin puisque la production mondiale est en baisse de 20 à 25% par rapport à la moyenne des cinq dernières années ( l'Espagne, 1er producteur mondial, subit une terrible sécheresse depuis 3 ans et est à 50% de ses capacités pour la deuxième saison consécutive).

L'offre diminue, la demande ne baisse pas dans les mêmes proportions…Inévitablement la spéculation s'en mêle et les prix atteignent aujourd'hui des sommets.

Qu'aurons-nous à proposer à la vente en 2024?

Une petite quantité d'huile bio que nous réservons aux Gac et particuliers qui nous sont fidèles depuis tant d'années, principalement en petits conditionnements (bouteille de 750ml / bidon de 1L ) et en bidon de 5L sur réservation.

Point de vue prix, nous réduisons au minimum la marge sur notre travail de conditionnement et distribution, mais les 6 autres producteurs ayant décidé de vendre juste au-dessus du prix pratiqué à ce jour (10/02/24) par la Coopérative de Zakros pour l'huile non bio, notre huile bio distribuée en Belgique augmentera de 20 à 30% par rapport à 2023.

Nous proposerons également l'huile de la Coopérative (AOP Sitia Lasithiou Kritis , non bio) pour les particuliers et pour le B2B en bouteille de 750ml et bidon de 5L, au prix fixé par la Coopérative + une marge minimum pour notre travail.

En attendant la prochaine récolte qui on l'espère remettra de l'huile dans les rouages grippés, le travail ne manque pas ni dans les oliveraies avec la taille , ni à la future savonnerie sur la place du village…

Conçernant le marché de l'huile d'olive, voici trois liens pour aller plus loin :